lundi 17 mai 2021

Pulsion d'auteur

Si l'on place mes romans sur un spectre de A<--|--|--|--|--|--|--|--|--|-->B


A étant l'oeuvre la plus désintéressée et B, l'oeuvre la plus égocentrique, on débute, évidemment, au point A, par le roman historique, dont la démarche m'oblige à me décentrer par respect envers les faits d'époque et les personnages réels, envers la culture concernée, avec autant d'objectivité et d'honnêteté intellectuelle que possible.

S'échelonnent ensuite les romans de fiction dont la narration navigue sur des courants plus ou moins universels, dont les thèmes sont plus ou moins actuels et les personnages, quoique des extensions de moi-même (c'est inévitable), possèdent des caractéristiques communes aux lecteurs, en tout cas reconnaissables et sujettes à identification.

Et on termine avec Le guerrier, relégué en B, à l'autre bout du spectre. 



Le guerrier, je l'ai écrit en deux mois par pure pulsion égotique, pur instinct. Comme un bébé que j'aurais fait toute seule. 

Ses personnages incarnent cet atavisme qui me caractérise depuis toujours, que je dissimule tant bien que mal sous les masques d'usage. Ils évoluent en total décalage avec le monde actuel et assument leur marginalité sans aucune pudeur. Ce roman dénué de filtres est une résurgence de valeurs, de vertus, d'inclinations d'un autre temps, peut-être d'une vie passée, associées à un paradigme disparu - pour autant qu'il ait jamais existé! 

Ces prédispositions archaïques sont les mêmes qui me poussent irrésistiblement vers les âges reculés de la culture celtique, engendrant les romans historiques, sauf que puisque l'Histoire ne m'appartient pas, puisqu'elle est régie par des institutions au regard critique, penchées par-dessus mon épaule, je m'astreins à une écriture extrinsèque : la pratique d'une reconstitution historique littéraire est impersonnelle. Je n'existe plus que dans les détails.

Par contre, Le guerrier ne comprend aucun syncrétisme, ne répond à aucune autorité, ne contient aucun compromis. Il est "moi" à l'état natif.

Écrire sans penser... Ça, c'est fait ! 

Pourquoi l'ai-je donné à lire, dans ce cas, me demanderez-vous ? Sans doute, comme l'évoque si bien l'anthropologue Philippe Descolas dans La composition des mondes, à cause de "ce formidable culot narcissique qui pousse les auteurs de fiction à fourguer sans vergogne une partie de leur monde intérieur à de parfaits inconnus". 

J'ai récemment revisité consciencieusement le manuscrit du Guerrier. Sans en altérer le fond, j'en ai raffiné la forme, éliminant les dernières coquilles, les redondances, les lourdeurs. Je ne cesse d'apprendre et de m'améliorer, en tant qu'écrivain. Je voulais que Le guerrier bénéficie de mes progrès. C'est l'avantage de l'autoédition : l'auteur conserve la prérogative de peaufiner son oeuvre. J'en ai préservé le style, qui est concret, direct et visuel, comme ma pensée, bien moins lyrique que dans mes romans historiques. Point d'abstraction stylistique ou textuelle, dans Le guerrier, mais globale, fidèle à mon entendement holiste. Le roman entier est une conceptualisation, les symboles sont anthropomorphes et narratifs à l'instar des anciennes pratiques mythiques.

Le guerrier a été reçu avec la même perplexité que tout ce que je donne d'authentique. Interpellée par certaines des réactions, je me suis permis une auto-analyse a posteriori. En bref, ce roman est l'expression d'une double dysphorie. D'un côté, mon incompatibilité avec le monde actuel. Une goutte d'huile dans un verre d'eau. Un grumeau dans la crème. De l'autre, le malaise d'être un étranger dans mon propre corps, qui me conduit à me réaliser par procuration à travers Hugo, le personnage central de ce roman. 

J'y ai aussi retrouvé quelque chose de Nietzschéen. 




Le traitement de cette philosophie dans Le guerrier est imparfaite, et probablement aussi atypique que ma pensée autistique. D'aucuns le trouveront puéril, sans doute, ou primaire. J'ai l'habitude. Ma spontanéité est souvent décriée selon les sempiternels arguments de l'intellect et de la raison stoïcienne. Mon don, lui, de prime abord, est brut et brutal, impulsif, intuitif, sentimental, parfois lyrique, dramatique, romanesque, émotif.

Barbare, sauvage.

Quand je vous parlais d'atavisme...

Peu importe, après tout, chers lecteurs. Il ne s'agit que d'un roman sans prétention aucune, pas d'une profession de foi. Cette fiction allégorique peut être lue en tant que telle : une histoire par laquelle on s'évade, une expérience de vie sans les risques. La lecture, c'est quelque chose qu'on peut éprouver sans sortir de son canapé.

Pour moi, l'écriture est un lieu où je peux être pleinement, vivre absolument. 

Et sans plus sortir du canapé que mes lecteurs, elle est aussi un moyen de rencontrer la société à mi-chemin.

J'ignore encore si l'intention est mutuelle.

Ou si rencontre il y aura !



FLB


"Le guerrier" n'est plus disponible en auto-édition : il est pour l'instant examiné par les éditions ACADEMIA avec un accord oral de publication, sous condition que mes révisions soient au goût des éditrices. 







mercredi 3 juin 2020

Un monde idéal



Mon monde idéal n’est pas un monde parfait. La perfection n'existe pas, et l'absolutisme est une imposture.
Idéal dans le sens : qui donne une satisfaction juste aux aspirations du coeur, du corps et de l'esprit.

Mon monde idéal n’est pas une simple idée, même s’il en reste au stade immatériel de la pensée, de l’imaginaire ou du souhait. Il représente un besoin viscéral de retour à la terre, à la réalité et à l’harmonie du vivant. 

C’est simplement un monde qui n’abîme pas, c'est-à-dire que chacun peut y vivre à la fois en toute intégrité avec lui-même et en toute cohérence avec son milieu de vie.


Un monde qui n’abîme pas n’est pas un monde sans violence, car la violence est inhérente à la vie (j'en parle dans cet autre article ICI). Mais c’est un monde sans méchanceté, sans cruauté, sans perversité ni vilenie, avec une éthique fondée sur la considération respectueuse, la bienveillance, mais sans morale, et donc sans perversion. 

Ceci est une ébauche, je dois encore bûcher sur certains aspects, et tous les détails ne peuvent être abordés par ce jeu de reconstitution d'un monde idéal dans un blog, mais en bref, ce monde serait basé sur les principes suivants : 

  • Toute autorité est illégitime (autre que sur sa propre personne). 
  • La seule gouvernance légitime est celle de la dynamique planétaire. Il n’y a pas de pays, uniquement des océans et des continents et leurs zones écologiques (forêts, montagnes, marais, côtes, déserts, steppe, savanes, bush, etc.). 
  • Les seules lois légitimes sont celles qui régissent l’organisation spontanée de la vie sur Terre, de manière non hiérarchique, concentrique, depuis le cosmos dans lequel la planète s’inscrit jusqu’au petit étang du coin. À partir de ces lois sont déclinés ces présents principes...






  • Pas de religion ni de science, mais une cosmogonie contenant l’ensemble des savoirs qu’impliquent ces lois, à la fois dans leur dimension physique (temporelle) et symbolique (spirituelle). Sa transmission et son enseignement prennent aussi bien la forme de formules mathématiques (version matérialiste) que de mythes (version intuitive), tant qu’elle exprime la réalité (que j'adresse dans cet autre article ICI). La réalité - les lois et dynamiques et principes de la vie sur terre - ne doit pas être sujet à interprétation. Il n'y a pas de porte-parole attitré pour en révéler une quelconque exégèse ou idéologie ! C'est dans cette forme de travers qu'est tombé le nazisme, par exemple : à partir d'une vision darwiniste de la nature, on peut justifier les classes sociales, le racisme, voire l'eugénisme ! La vie (ce que nous appelons la nature) parle pour elle même dans un language non linguistiquement structuré (d'où la nécessité de combiner Mathématiques et intuition, pragmatisme et symbolisme), un language perceptible par les sens et l'intuition, par la conscience. C'est quand il est traduit en mots par le cerveau et la raison qu'il convient d'être prudent et de rester aligné sur cette conscience, justement. L'Histoire, la linguistique et l'étymologie nous rappellent à quel point le language peut être manipulé. Nul besoin de prophète ou d'interprète éclairé ! La transmission des connaissances à la génération suivante n'est pas affaire d'inculcation et d'études, mais d'observation et d'analyse, d'initiation par l'expérience visant la compréhension, ainsi que de la sensibilité et l'intuition. La compréhension surgit de l'intérieur. Certains seront plus enclins à les comprendre intuitivement, d'autres, mathématiquement. Les connaissances sont accessibles à tous sans restrictions, sans agenda, sans hermétisme. Comme elles sont simples et concernent directement l'existence, elle sont naturellement porteuses de sens.
  • Les habitations humaines n’auront pas plus d’impact sur l’environnement qu’un nid d’oiseau, et les infrastructures, pas plus qu’une fourmilière, toutes proportions gardées.
  • La consommation des ressources naturelles et des autres êtres vivants s'opère avec considération respectueuse et ne doit strictement pas dépasser les besoins essentiels, c'est-à-dire qui permettent aux individus et à la communauté une vie saine et aussi confortable que possible sans nuire à l’assouvissement des besoins des autres êtres vivants, ni enfreindre les lois naturelles. Le libre accès aux ressources naturelles (eau, bois, métaux, énergie solaire, terre et agriculture, flore et faune sauvage) n’implique ni commerce, ni préséance, ni supériorité de la part des humains.
  • La société humaine est structurée sur le modèle écologique. Elle est à la fois communautaire et individualiste. Si on prend l’exemple de la forêt et que je me compare à un arbre dans cette forêt, je suis respecté dans mon unicité quelle que soit mon essence, la forme qu’ont pris mon tronc et mes branches, ma taille… Je participe pleinement à la vie de la forêt simplement en existant en cohérence avec ma nature. En accord avec le principe que la Partie est dans le Tout et le Tout est dans la Partie, l’arbre est discernable mais pas indépendant de l’entité.

La sève est dans l'arbre et l'arbre est dans la sève....

  • Tout type de hiérarchie étant nocif, la structure organisationnelle des communautés prend la forme de réseaux à l’image des racines et des branches. Il faut oublier les concepts et schématisation en hiérarchie verticale ou pyramidale et revenir à l'horizontalité et aux cycles ou aux spirales (Pas comme s'y est mise la culture corporative où les fonctionnements collaboratifs en réseau sont pervertis par le salariat, le marché et le profit).
  • La fonction individuelle au sein de la communauté, l'apparence de chacun, le comportement des individus, seront en accord avec les inclinations et facultés, aptitudes, de chacun, tout comme chaque arbre existe dans la plénitude de son essence selon le terrain sur lequel il croît. 
  • L'enfance est sacrée, asexuée et libre ! Les petits enfants apprennent la vie en communauté par l'exemple, le mimétisme, le jeu, l'exploration et l'expérience. Ils peuvent participer aux activités quand se présente leur désir spontané de le faire, selon leur âge et leurs capacités : le développement de chaque enfant est unique, personnalisé, calqué sur le développement de sa dentition. Les étapes de ce développement sont célébrées, mais il n'y a pas d'agenda prédéfini imposant à tous d'être capables faire telle ou telle chose à tel âge. L'éducation ne nécessite pas de cris, de menaces, d'humiliation, de discipline, d'agression physique, de punitions. Et aussi, la communauté entière est responsable des enfants. "Il faut tout un village pour élever des enfants :  mettre les générations d'enfants ensemble pour qu'elles se pollinisent. Être sur un même pied d'égalité avec les adultes. Créer une proximité avec la nature, la forêt, afin de se rendre compte qu'on appartient à la planète." - Thomas d'Ansembourg
"Si l'enfant n'est pas enlacé par sa tribu, quand il sera grand il brûlera le village pour sentir sa chaleur" - proverbe africain
  • Il n'y a pas d'école ! L'école est déjà une aberration en soi, un processus de domestication appliqué à l'être humain, qui désensibilise. D'ailleurs, la simplification de la vie et de la société, l'absence de marché (y compris celui de l'emploi) et d'industries rendent l'école obsolète ! Dans le monde idéal, les apprentissages et l'invitation à réaliser des tâches précises quotidiennes n'apparaissent pas avant 6 ou 8 ans. L'apprentissage d'un savoir-faire en particulier, quand l'enfant démontre un intérêt certain, peut être promulgué par tous ceux qui pratiquent le savoir-faire à transmettre. La connaissance du monde et de la vie est dispensée de manière décontractée, au fur et à mesure des questions et des besoins. D'ailleurs, aucune réponse ne devrait être imposée systématiquement avant les questions, les événements associés ou le déploiement naturel de la curiosité, et cela diffère pour chaque enfant ! L'intérêt spontané donne un sens à l'acquisition de savoirs et de savoir-faire. 

« La castration de la spontanéité est l’une des caractéristiques des civilisations occidentales [et orientales]. On apprend à ne pas faire montre de ses sentiments, à bloquer les pulsions de sympathie et d’antipathie, à contrôler exagérément sourires et gestes, dans le mauvais sens du terme, au nom d’un qu’en dira-t-on possible, d’une absurde respectabilité de maintien et autres fariboles qui vont à l’encontre de véritables relations qu’on peut avoir avec soi-même et avec les autres. On aboutit ainsi ou bien à la raideur intérieure ou extérieure et à tous les refoulements d’émotions que cela suppose ; ou bien à la révolte contre les systèmes fermés qui sont les résultats de la non-spontanéité, avec les attitudes laxistes, débraillées, grossières qui en découlent ».

Le but est d’éviter les deux extrêmes. Contrairement à ce que vous promet la Watchtower, vous n’êtes pas condamnés à la perdition et à la dégénérescence. L’homme naturel, en paix avec lui-même, trouve le chemin de l’équilibre. Équilibre entre la spiritualité et la rationalité, entre la dynamique créatrice extérieure (expression des potentialités) et la sensibilité intérieure, entre son intuition (« anima ») et sa capacité d’analyse (« animus ») et surtout ce trésor si souvent agressé : l’auto-détermination et la pensée personnelle ! » Pierre Daco

  • Le seul fait d’exister est un statut légal en soi. Les individus n’ont pas à mériter ni justifier leur existence ni leur appartenance au sein de la communauté.
  • Ni l’individu ni la société ne combattra la vie et la mort. Chacun respectera, accueillera et célébrera la vie comme la mort de manière égale. 

NOTES

Il n’y a évidemment pas d’économie. Uniquement l’écologie. Et pas de fric. L’autonomie des communautés, des familles, des individus, se passe très bien de commerce. 

L'artisanat et l'art ne sont pas dissociés. 

Pas de compétition ni de hiérarchie. La notion de réussite a disparu. Reste celle de la réalisation de soi demeure, car la plénitude de la partie dans le TOUT, c'est la plénitude du TOUT (dans la partie). 

Les territoires des communautés sont fluides. Le nomadisme n’est pas exclu, cela dépend du climat selon les régions et des personnalités. Les communautés ne sont pas fermées ni identitaires. 

En ce qui concerne les genres et la sexualité, je vous renvoie à cet autre article très exhaustif ICI.

Il faut repenser la communication et créer un cadre adéquat pour que les souffrances, disputes et conflits puissent s’exprimer et être accueillis avec bienveillance avant de devenir problématiques ou agressifs, et revisiter la notion de justice (qui repose sur l’ensemble de la communauté et pas sur une fonction réservée à certains). Celle-ci, loin de toute culpabilité, doit prendre en compte les contextes, facteurs, causes directes et collatérales, intentions et conséquences des comportements qui ont causé du tort. Concernant les peines, au besoin, on peut s’inspirer de la synergie au sein des troupeaux ou des meutes, et celle des tribus indigènes, où l’isolement temporaire est souvent la peine la plus courante. La réclusion et l’exclusion, pratiquées dans notre société actuelle, sont synonymes de mise à mort, dans la nature. 
Il s’agit également d’être éducatif (favorisant la prise de conscience, la compréhension et la sensibilisation, et visant la réparation, même symbolique) plutôt que répressif (favorisant la soumission, l’abrutissement et l’insensibilisation, et visant la punition). 

La relation entre les communautés est fluctuante et dynamique, à l'image de la relation entre individus. Pour éviter le retour du pouvoir et pire, sa centralisation, il faut faire le deuil de la garantie d'une paix, d'une béatitude et d'une harmonie omniprésente. L'équilibre est un mouvement perpétuel entre les extrêmes. Là encore, l'observation des facteurs écologiques biotiques nous enseignent sur les moyens, les relations et comportements qui préservent ou ramènent l'harmonie. 

Il faut aussi réfléchir à la domestication et à l’élevage. La collaboration inter-espèces, quand elle a lieu, doit être réciproquement édifiante, l’intégrité de chaque individu, peu importe l’espèce, étant sacrée. Il ne peut y avoir de clôtures ni d’entraves (apprivoiser au lieu de domestiquer ? Amitiés inter-espèces ?). La notion de propriété est également à exclure : on ne peut posséder le vivant ! De toute façon, la possession est une illusion. 
Nous serons libérés de l'attachement et de l'appartenance.

Il faut également repenser l'agriculture dans ce sens. Peut-être même éviter de labourer la terre autant que possible ! Je suis persuadée que le labour fait partie de la "culture du viol"....


Il faut aussi revisiter la question de la consommation d’énergie et la nécessité des technologies (beaucoup tomberont d'elles-mêmes dans l'obsolescence en l'absence de marché et de consommation). Et donc bien définir l’équilibre entre les besoins réels et le confort sans nuire aux autres espèces (faune et flore). L’harmonie écologique est la clé ! 

On pourrait croire que ce monde idéal n'est jamais sorti du Néolithique, du Bush ou de la forêt amazonienne ! Mais ce serait faire fi des expériences portées par les derniers millénaires dont nous ne sortirons pas intacts ni plus forts, mais amoindris, estropiés et souffreteux. C'est durant notre convalescence et notre réhabilitations que se réveilleront notre conscience et notre santé, mais nous ne serons plus jamais ce que nous avons été : c'est le principe de la progression en spirale, ou le thème abordé par Sénèque lorsqu'il dit qu'un homme ne met pas deux fois les pieds dans la même rivière parce qu'il n'est plus le même homme et que l'eau s'étant écoulée, ce n'est plus la même rivière.
Et puis, notre reconnexion après un si long moment passé loin de nous-mêmes, notre libération après tant d'année d'asservissement, notre réveil après tant de mensonges et d'impostures, sera une évolution, pas un retour en arrière.

Ce monde idéal est-il réalisable ? Oui, sans doute, je reste positive, je choisis d'y croire, même si je devine qu'il ne pourrait naître que ces cendres de celui-ci, il ne pourrait se construire que si le nôtre s'effondre entièrement, et après un bon moment de chaos qui affectera de nombreuses générations, car retrouver les enseignements, les sens et le savoir-faire perdus ne sera pas une mince affaire !
Par ailleurs, outre une désensibilisation majoritaire, les mentalités actuelles ne s'y prêtent pas : les divertissements compétitifs font de nous des juges et des critiques ; la consommation, l'insensibilisation, l'assèchement de l'affection et des émotions ainsi que la hiérarchisation favorable au surdéveloppement et aux blessures de l'ego ont créé énormément de personnalités narcissiques, voire cruelles ; les réseaux sociaux faussent le dialogues et nous habituent aux débats stériles, à l'opposition d'opinions ; notre surnombre rend difficile la possibilité de consensus ; les mégapoles et l'urbanisation posent problème quant à l'autonomie, etc.

Peut-être les conséquences du cycle climatique que nous avons précipité nous y aideront-elles....


FLB


Quelques lectures qui m'ont inspirée :

J. C.Scott (2018), Homo Domesticus, La Découverte
Pierre Clastre (1980), Archéologie de la violence, Seuil 
Pierre Clastre (1974), La société contre l'État, éditions de Minuit
Pierre Clastre (2001), Chronique des Indiens Guayaki, Pocket
Marshall Salhins (2017), Âge de pierre, âge d'abondance, Gallimard

Groupe Krisis (1999), Manifeste contre le travail, éditions Léo Scheer
Andréas Malm (2017), L'anthropocène contre l'histoire, La Fabrique
Serge Latouche (2005), L'invention de l'économie, Albin Michel
Tom Thomas (2011), Démanteler le Capital ou être broyé, éditons Page Deux

Edmund D. Cohen (1986), The mind of the Bible believer, Prometheus books
Jean Solers (2002), L'invention du monothéisme, éditions de Fallois

Eduardo Kohn (2017), Comment pensent les forêts : vers une anthropologie au-delà de l'humain, éditions Zones Sensibles
Jérôme Bachet (2005), La rébellion zapatiste : insurrection indienne et résistance planétaire, Flammarion
Philippe Descola (2005), Par-delà nature et culture, Gallimard
Robin Wall Kimmerer (2013), Braiding sweet grass ; Indigenous wisdom, scientific knowledge and the teaching of plants, Milkweed edition

Albert Jacquard (1997), Petite philosophie à l'usage des non-philosophes, Calmant-Levy

Alice Miller (2015 (publication originale 1981)), C'est pour ton bien ; Aux racines de la violence éducative, Flammarion
Madeleine Deny & Anne-Cécile Pagache, Le grand guide des pédagogies alternatives, Eyrolles

Pandit Ganga Prasad Upadhyaya (2013), The vedic view of Life, Arya Samaj (India)
Abinash Sandra Bose (1960), The Call of the Veda, Bhavan's Book University (Bombay, India)
Lao TzeuTao Te King









jeudi 7 mai 2020

Thèmes, allégories et symbolisme du Seigneur des Anneaux



Introduction


J'ai commencé à lire le Seigneur des Anneaux à 14 ans, dans un contexte personnel et scolaire pénible. J'y ai trouvé un refuge dans un univers extrêmement riche à explorer de long en large et en profondeur, à la hauteur de ma curiosité insatiable, de mon cerveau à l'hyperactivité tyrannique et de mes tendances autodidactes. Je n'ai plus cessé de lire Tolkien, en français et en anglais, depuis. Après avoir lu la trilogie en question au moins une dizaine de fois, je me suis penchée sur les autres oeuvres de Tolkien et sur ses biographies. 
C'est grâce à Tolkien que je me suis intéressée aux mythes celtes, nordiques et germains, puis à la culture et la civilisation celtique de l'âge du fer, qui est devenue une véritable passion et une source infinie de découvertes. 
C'est grâce au Seigneur des Anneaux que je me suis mise également à écrire.
Mes romans historiques de la collection "L'épopée celte", reconstitution littéraire de la culture celtique de l'âge du fer en Europe, sont donc en grande partie le résultat de cette lecture du Seigneur des Anneaux proposée par mon médecin il y 35 ans - qui n'a aucune idée de l'incroyable influence qu'a eu sur moi l'univers de Tolkien, ni du cheminement effectué depuis, provoqué par cette simple suggestion de sa part !


Pourquoi cette analyse ?


Tout d'abord, parce que le Seigneur des Anneaux est l'une des oeuvres littéraires de fiction les plus riches jamais publiées ! Cette trilogie est d'ailleurs devenue un étalon littéraire, ayant établi les archétypes de la littérature Fantasy (et du cinéma du même genre). Ce livre adresse de nombreux thèmes qui sont toujours d'actualité.
Ensuite, parce que la principale source d'inspiration de J. R. R.  Tolkien, à savoir la culture et mythologie celtique via les anciens textes et poèmes qu'il a étudiés et traduits, est également mon domaine d'étude et de prédilection. 
Et enfin, à cause de l'influence qu'a eu cette oeuvre dans ma propre vie et dans mon processus d'écriture (et je suis loin d'être un cas isolé !).

J. R. R. Tolkien


Brève bio : John Ronald Reuel Tolkien, est né le trois janvier 1892 à Bloemfontein, en Afrique du sud. Orphelin de père à quatre ans, il vit avec sa mère, revenue en Angleterre chez ses parents, et son petit frère. 
Il a 12 ans à la mort de sa mère (diabète). Il est alors confié, avec son frère, à un père de l'Oratoire de Birmingham, qui les installe chez une tante. 
Plus tard, John étudie le vieux norrois, le grec ancien (qu'il trouve aussi ennuyeux que le latin), le vieil anglais, le finnois et le gallois, à Birmingham et à Oxford, puis se spécialise en philologie scandinave.
Il épouse Edith Brath en 1913 après quelques conflits religieux dû à l'intransigeance du père de l'oratoire qui menace de ne plus financer ses études. En effet, Edith est protestante, mais elle se convertira au catholicisme par amour, et les noces auront bien lieu. 
Envoyé au front en 1916, John Tolkien revient affaibli par la fièvre des tranchées. Il travaille ensuite en tant qu’étymologiste pour l’Oxford English Dictionary, puis devient professeur de littérature anglaise à l’université de Leeds avant d’occuper le poste de professeur de vieil anglais à Oxford. Il développe en parallèle son univers de fiction, écrivant Le Hobbit et le Seigneur des Anneaux qu’il lui faudra plus de dix ans pour achever.
John et Edith auront trois garçons et une fille.
Le 28 mars 1972, John est fait commandeur de l’ordre de l’Empire britannique par la reine Élisabeth II.
J. R. R. Tolkien meurt le 2 septembre 1973 à Bournemouth.



John Ronald Reuel Tolkien est un auteur de son temps, évidemment. Aucun écrivain n'a créé d'oeuvre vierge d'influences : enfance, culture, religion, contexte socio-politique, histoire familiale... Comme tout artiste, dans notre civilisation où l'art est séparé de l'artisanat et s'en trouvé souvent réduit à du décors ou à un divertissement associé à un marché, l'écrivain dont la démarche demeure authentique (non commerciale) est à la fois une résurgence de son subconscient et une expression de la société. 

Le Seigneur des Anneaux


Ce livre constitue donc un miroir fascinant qui reflète non seulement son auteur, son époque et sa culture, mais également les racines de cette culture, qui l'ont inspiré, qu'il a étudiées, j'ai nommé la civilisation celtique.

Ainsi, j'effectue mon analyse des symboles, allégories et thèmes du Seigneur des Anneaux sous ces deux faisceaux : 

- à la lumière de la culture celtique (médiévale insulaire, puis remontant à l'âge du fer), démarche que j'ose seulement entreprendre après plus de 20 années de recherches assidues dont vous trouverez la compilation et les références bibliographiques sur le blog que j'y consacre : https://milo-epopeecelte.blogspot.com/

- à la lumière de l'époque et de la vie de Tolkien

Et j'en profiterai au passage pour souligner quelques unes des différences entre l'adaptation cinématographique de Peter Jackson et l'oeuvre littéraire originale.



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1. La Terre du Milieu



Le monde dans lequel se situe la narration du Seigneur des Anneaux et les oeuvres connexes, Le Silmarillion et Le Hobbit, sont une invention de Tolkien. Il en a créé la géographie et l'histoire, les langues, et dessiné les cartes.
Le nom "terre du milieu" est inspiré de Midgard, d'après la cosmogonie nordique. Cette "cour médiane" est le lieu où vivent les mortels, c'est le monde des hommes. 
Ygdrasil, ou l'univers selon la mythologie et la cosmogonie nordique.
La cosmogonie celtique est très similaire, et elle aussi est représentée par un arbre dont le tronc, le "milieu", est le temps et l'endroit de l'incarnation, ou l'existence physique. 

Midgard est un lieu dans un univers vertical chez les nordiques (et dans la culture celtique médiévale christianisée), tandis que le "tronc" de l'arbre celtique, le milieu, est un moment du cycle de réincarnation dans la cosmogonie celtique, transposable au calendrier annuel, à une vie, une saison, une journée, et à toute initiative ou démarche.

Je vous invite, si vous désirez creuser le sujet, à consulter le paragraphe consacré à l'arbre de vie dans l'article sur la mythologie celtique ICI.

La Terre du Milieu de Tolkien est un lieu, un territoire constamment en évolution. D'âge en âge, elle s'isole du TOUT qui l'a constituée, elle se retire du divin. D'ailleurs, les elfes quittent peu à peu la Terre du Milieu, car elle perd de sa vie. La conscience de chaque chose vivante s'amoindrit au cours des âges. Ainsi, elle convient de mieux en mieux aux hommes mortels qu'aux elfes qui, dès lors, prennent les navires vers l'Ouest, vers un pays "toujours vert" directement inspiré de la culture Viking. 
Le paradoxe, c'est que plus les elfes la quittent, plus la Terre du Milieu s'appauvrit en énergie vitale, et plus elle s'appauvrit, plus les elfes désirent partir... 


Un monde en proie à l'industrie 


Tolkien a déversé dans son oeuvre la profonde nostalgie qu'il ressentait face à l'ère industrielle, cette "maladie du modernisme" qui "gâchait la campagne anglaise avec ses cheminées d'usine et qui exposait à la fois l'horreur de ses inégalités sociales et la laideur de son ingénierie exploiteuse de ressources autant humaines que naturelles.

L'industrie, c'est ce qu'incarne Saroumane, dans le Seigneur des Anneaux. Ses projets réclament de transformer le vaste parc de son domaine jadis verdoyant en une usine d'armement, un laboratoire génétique, un champ de cratères morbide similaire à celui des tranchées et du no man's land qu'a connus Tolkien, allant jusqu'à détourner et barrer la rivière, puis raser et brûler la forêt alentour. 
De même, le pays de Mordor où règne Sauron n'est plus qu'une terre noircie malodorante et inhospitalière, dénuée de vie, telle un immense charbonnage ponctué de terrils, et dominée par un volcan toujours en activité.

Peter Jackson a bien résumé la nostalgie de Tolkien, que nombre d'entre nous partageons, dans les premières phrases de l'introduction de son adaptation cinématographique du Seigneur des Anneaux

"Le monde a changé. 
Je le vois dans l'eau.
Je le ressens dans la terre. 
Je le sens dans l'air. 
Beaucoup de ce qui a existé jadis est perdu. 
Car aucun de ceux qui vivent aujourd'hui ne s'en souviennent."


2. "Un anneau pour les gouverner tous"

Tolkien s'est fermement défendu de toute allusion à "L'anneau du Nibelungen" de la saga Wagnérienne, mais c'était peut-être dû à l'engouement d'Hitler pour les versions opératiques des mythes germaniques au moment où la question fut posée.

Ainsi donc, selon Le Silmarillon et Le Seigneur des anneaux, plusieurs anneaux furent forgés au cours des premiers âges du monde. Contrairement à ce que sous-entend le film, les trois anneaux elfiques ne furent pas forgés par Sauron. "Il ne les a même jamais touchés !" précise Elrond au conseil, et leur objectif ne vise pas à la domination ou la sujétion de toute chose, encore moins l'acquisition de richesses, mais à la préservation et la guérison. 
Étrangement, l'anneau de Sauron est surnommé "l'unique" alors qu'il y en a vingt en tout : trois pour les elfes, sept pour les nains, neuf pour les hommes et un seul pour Sauron. Voilà pourquoi il est unique : il n'appartient pas à un peuple, mais à un seul homme. Il est le "maître anneaux" dans lequel Sauron a mis toute sa malice, son savoir et sa force. 
Le paradoxe : tous les anneaux finissent par être dominés par l'unique, conférant à Sauron le pouvoir suprême, mais du coup, lui-même en est dépendant. Si Sauron ne peut être détrôné tant que l'anneau subsiste, il ne peut lui survivre non plus.
Comme tout homme ayant établi sa domination par une idéologie (1) : dès que celle-ci est démasquée ou réfutée, elle n'a plus aucune prise et le pouvoir s'effondre.

L'anneau symbolise donc le pouvoir, et le fait qu'il soit unique se rapporte particulièrement au pouvoir centralisé (2).

"Un anneau pour les gouverner tous
Un anneau pour les trouver
Un anneau pour les amener tous 
et dans les ténèbres les lier."

Le rapprochement avec les puissances et idéologies suprématistes qui s'élevaient en Europe de l'Est est aisé. Leur dessein étaient d'uniformiser et d'asservir, de dominer en éliminant tout ceux qui s'y opposaient, à l'instar de Sauron dont le royaume est, lui aussi, situé à l'Est.
L'anneau qui semble servir son porteur pour, en réalité, le trahir et le ramener à Sauron fait penser aux agences de renseignement et aux polices d'Hitler et de Staline, agences établies soit-disant au service du peuple, et qu'affectionnent les dictateurs et régimes autoritaires dont l'ambition est d'amener tout à se conformer à une pensée unique, sous une seule autorité. C'est l'obscurantisme qui lie bel et bien dans les ténèbres !

Personnellement, je ne peux m'empêcher de comparer le "maître anneau" aux religions organisées et sectes monothéistes, au Dieu unique qui abolit les cycles pour les remplacer par la fixité, la diversité par l'uniformité, l'horizontalité par la hiérarchie verticale, l'autonomie par l'autorité et la gouvernance, et le holisme par la rationalisation et le réductionnisme. 
À mes yeux, ce Dieu-là est à l'opposé de l'origine, de l'intention, de la portée et des enseignements des anciens mythes de la tradition orale dont Tolkien a étudié les versions tardives et dont il s'est inspiré. 
Par contre, pour Tolkien, si le produit dérivé des anciens mythes païens - la littérature fantasy et les contes de fées - n'était pas inconciliable avec la religion, il n'étaient pas non plus miscible avec elle ! Tolkien reprochait  d'ailleurs à son ami C. S. Lewis, qu'il avait sorti de l'athéisme et dont il déplorait le choix subséquent de l'anglicanisme au lieu du catholicisme, de mêler des thèmes et enseignements chrétiens à ses écrits (Crf Les Chroniques de Narnia). Il s'agit là plus d'une question d'ordre hiérarchique que d'une véritable incompatibilité, selon Tolkien, pour qui les mondes féériques étaient les sous-créations des sous-créateurs que nous sommes, nous les humains (LE Créateur étant Dieu). Il estimait que la littérature fantasy et les contes de fée étaient liés à la Nature : à l'enfance, à l'innocence, à l'instinct, à tout ce qui est naturel. La nature était la Création et nos mondes imaginaires, une sous-création qui, à son avis, n'en était pas moins réelle, et surtout plus noble que les "créations" mécaniques de l'industrie !

En catholique convaincu, Tolkien aurait-il pu considérer le lien entre l'Unique et le monothéisme ?  
De même, en fait de pouvoir centralisé autoritaire, suprématiste et oppresseur, on pourrait tout autant mentionner l'empire britannique, ses exactions coloniales et sa société cadenassée élitiste et ségrégationniste ! Mais Tolkien n'est pas un auteur engagé. Il est un intellectuel très British aux propos et actes publics modérés. 

Karl Marx, lui, dirait que l'anneau unique représente le Capital, et il serait intéressant d'approfondir ce parallèle, mais ce serait un article à part entière...
Notez que Tolkien comprenait les travers du capitalisme et de sa "société du spectacle" puisqu'il a fait en sorte que The Walt Disney Company ne puisse jamais mettre la main sur son oeuvre !

Le conseil d'Elrond


L'anneau tend à "diviser pour mieux régner", citation attribuée à divers empereurs, reines et rois avides de pouvoir. Diviser dans le sens créer la discorde ou la zizanie mesquine. Cela est illustrée lors du conseil d'Elrond à Foncombe. Les différents peuples se retrouvent autour de l'anneau pour discuter des mesures à prendre : elfes, nains, hobbits et hommes. La discussion tourne au vinaigre. L'anneau à cet effet, au premier abord, de troubler l'esprit et d'exacerber l'ego, la haine, la différence, l'irritation, la colère, la frustration...
Porter l'anneau durant une longue période ôte carrément toute lucidité et libre arbitre, ce qui nous ramène à la pensée unique et l'endoctrinement.

Le conseil d'Elrond finit par tomber sur un consensus lorsque Bilbon, d'abord, puis Frodon, se dévoue (d'une manière bien moins directe dans le livre que dans le film) à la mission de détruire l'anneau. 
Et ce point est vraiment intéressant : c'est sur le plus faible, le plus humble, que s'aligne la communauté. Cette manière de faire est à l'opposé du pouvoir centralisé qui lui, aligne toujours ses groupes sur le plus fort, le plus puissant et le plus riche au sommet de sa hiérarchie, écrasant sa base, et dépend de leaders intermédiaires dont l'image doit également être forte.

2. La communauté de l'anneau 



Pour opposer Sauron et son anneau unique, le pouvoir centralisé uniformisant, vertical et fixe, se forme son contraire : la communauté de l'anneau. 
Une communauté par définition diversifiée, indépendance et autonome. Là, nous rejoignons un aspect de la civilisation celtique qui perce jusque dans les versions médiévales de la mythologie irlandaise et galloise qu'étudiait Tolkien, malgré les influences chrétiennes des transcripteurs. La société des Celtes de l'âge du fer qui se sont installés dans les îles de la Manche à partir du Vè siècle ACN est dotée d'une structure élaborée pour parer à toute centralisation et fixité du pouvoir, avec une royauté élue par une assemblée où sont représentées toutes les fonctions (excepté les esclaves, évidemment) très semblable au conseil d'Elrond, une société horizontale (s'inscrivant dans un cercle). 
La civilisation celtique était un agglomérat de "clans", de communautés conscientes d'être issues, de composer et de partager une culture que préservait le "filet druidique", mais dans la diversité, chacune présentant ses spécificités, ses spécialités artisanales, ses couleurs, son dialecte, ses héros et dieux locaux (plus d'info ICI).

La communauté de l'anneau est composée comme un "clan" celte dont les classes sociales non hiérarchisées forment toutefois des groupes distincts, ou plutôt des fonctions selon la tripartition fonctionnelle imaginée par l'historien et anthropologue George Dumézil :

Dans la fonction sacerdotale :
  • Gandalf représente le druide, l'unificateur, le médiateur spirituel.
  • Legolas est la mémoire qui incarne le passé dans le présent, le divin dans l'humain, rôle qui incombe au barde (que nous considérons comme une fonction druidique).
Dans la fonction de la chevalerie (à défaut d'un terme plus approprié) :
  • Aragorn représente la royauté chère aux Celtes.
  • Boromir représente le guerrier.
Dans la fonction productrice (à défaut d'un terme plus approprié) :
  • Guimli est l'artisan, le savoir-faire étant considéré comme noble et crucial chez les Celtes (art et artisanat n'étaient pas dissociés).
  • Les Hobbits sont les gens de la terre, les paysans, "les gens simples" (selon l'expression de Tolkien "the simple folks"), Sam le jardinier, Merry et Pippin les bons vivants, Frodon le maître du domaine de Cul de Sac, un lieu où l'on fait toujours bombance.
Par ailleurs, dans la coutume celtique, ce sont les druides qui préparent et accompagnent les candidats à la royauté, qui officient lors de la cérémonie du "couronnement". Conformément, Gandalf, dont le projet est de mettre Aragorn sur le trône de Gondor et de faire renaître la race de Númemor symbolisée par un arbre mort qui refleurit au retour du roi, est celui qui pose la couronne sur la tête de l'héritier d'Isildur.

"The return of the King", par Greg et Tim Hildebrandt


La relation Gandalf/Aragorn est évidemment similaire à la relation Merlin/Arthur, une structure récurrente dans toute narration tirée de sources celtiques comme c'est souvent le cas dans le genre Fantasy, puisque le binôme roi/druide y était une réalité incontournable. J'en parle d'ailleurs dans l'article portant sur le culte celte de l'héroïsme ICI ou sur la société celtique ICI.

Le sujet controversé des races


Fut reprochée à Tolkien sa propension à décliner les groupes ethniques de la Terre du Milieu en races, certaines pures, d'autres corrompues, et au sein de ces races, de souligner des lignées de sang noble. 

La traduction du Seigneur des Anneaux en français l'a rendu un peu plus sexiste et un peu plus "raciste". Par exemple, le mot kin (apparenté, groupe) est souvent traduit par race, en français parce qu'il est difficile de trouver un mot à la signification identique dans ce contexte-là : Your kin = vos parents ? Votre famille ? Vos proche ? Non, trop restrictif. Vos frères ? Non, ça donne l'idée de confrérie. Vos gens ? Non, la connotation est hiérarchique. Votre lignée ? Pourquoi pas, à la rigueur. Votre espèce ? Trop général. Votre peuple ? Trop porté sur l'organisation sociale. Votre race ? Eh bien, oui, en fait...

À l'époque de Tolkien, d'une part on est en plein boum du Darwinisme appliqué à toutes les sauces, y compris sociales, d'autre part la mentalité britannique est celle de la colonisation et de l'exacerbation du spécisme, racisme, sexisme, élitisme, etc. 
Lorsque Tolkien a commencé à écrire le Seigneur des Anneaux, l'élucubration nazie de "la race germanique" s'émancipait seulement. En vérité, l’idéologie nazie n'a fait qu'appliquer concrètement et radicalement ce que d'autres nations pratiquaient hypocritement à travers des institutions étatiques dont la violence par l'exclusion et par le travail était plus diffuse, mais non moins réelle, et à laquelle la société britannique n’échappait pas. 
Tolkien faisait partie intégrante et intégrée de cette société, ce que reflète ses écrits. On pourrait alors tout autant reprocher à Jules Verne sa propension à écrire à la gloire des colons "civilisateurs" ou à Arthur Conan Doyle de promouvoir le misogynisme ! 

L'histoire (et l'archéologie au même titre que toutes les sciences) fut souvent asservie par la Nation et les élites. Les seigneurs et rois se sont dotés de lignages rattachés aux mythes païens christianisés de la même manière que c'était déjà l'usage à Rome, dont l'origine fut incrustée dans sa propre mythologie. La généalogie de Jules César faisait de lui un descendant de la déesse Vénus. Plus tard, les Plantagenet se sont carrément offert sur un plateau une lignée remontant au roi Arthur ! Ceausescu, dictateur roumain de la seconde moitié du 20è siècle, s'était adjoint les institutions archéologiques dans son obsession de pureté raciale remontant aux Daces, race soit-disant vierge de toute influence germanique ou latine, de la même manière qu'Hitler, peu avant lui, avait instrumentalisé les Germains pour encenser la pureté raciale germanique, clamant que les ancêtres des Allemands n'avaient pas souffert la domination romaine qui avait brisé et corrompus les Gaulois, ancêtres des Français.
Nous-mêmes, à l'heure actuelle, n'hésitons pas à évoquer ces mêmes "Gaulois réfractaires" lorsque nous éprouvons le besoin de justifier une résistance populaire ou d'unifier un mouvement politique. 

Les mythes irlandais et gallois qu'a étudiés Tolkien n'ont pas échappé à cette manie de l'appropriation lors de leurs retranscriptions monastiques ou littéraires romantiques depuis la tradition orale. D'autant plus que les récits mythologiques du Lebor Gabála Érenn ou Livre des invasions de l'Irlande impliquent des races nobles ou effroyables qui s'affrontent ou s'allient (3).

Tolkien était imprégné de cette notion de la noblesse liée au lignage ou au sang. C'était dans l'air du temps, tout simplement, d'expliquer les choses de cette manière, de construire une société fictive sur ce canevas au sortir de l'ère victorienne. La littérature romanesque et romantique se gorgeait du concept de sang noble et de lignage héroïque.

À travers le Silmarillon et le Seigneur des anneaux, Tolkien a ficelé une incroyable généalogie retracée à travers les prophéties et les chants racontant les exploits des ancêtres de tel ou tel personnage illustre comme le faisaient les bardes, puis les ménestrels ! 
Par exemple, le sang de Númemor est presque éteint. Aragorn, héritier d'Isildur, de la lignée des rois de Gondor, en est le dernier représentant. Tout au long de la trilogie du Seigneur des Anneaux, Aragorn est écrasé par le poids de cette responsabilité et tourmenté par le devoir d'expier la faiblesse de son aïeul.

Vous trouverez sur le net une abondance d'arbres généalogiques
des différentes races du Seigneur des Anneaux


Les différents groupes elfiques proviennent de lignages hiérarchisés : les Hauts Elfes sont de plus grande noblesse que les elfes sylvains. 

Du côté des "gens simples", les Hobbits, la généalogie n'a pas moins d'importance. Les personnalités et actions des aïeux entrent même en ligne de compte dans les décisions des protagonistes. Une lignée est plus aventureuse et l'autre, plus pantouflarde...
Même l'ordre des magiciens subit cette hiérarchie omniprésente dans la culture britannique sociale et cléricale dont est imprégné Tolkien. Gandalf-le-gris est soumis à son supérieur Saroumane-le-blanc, "le plus grand de l'ordre des magiciens". Raddagast-le-brun étant l'un des plus humbles. Cela diffère des druides qui n'étaient pas en compétition entre eux et dont l'organisation n'était PAS hiérarchisée verticalement mais collaborative et horizontale.

Lorsque j'ai commencé à étudier les Celtes et à les écrire, il y a 25 ans, on ne parlait pas encore tant de civilisation celtique, mais de culture celtique, et la notion de race celte était à peine évitée. Aujourd'hui, je rencontre encore avec effroi des celtisants évoquant cette "race celte" ! 
Il n'y a pas si longtemps, on utilisait encore le terme "clans" ou "tribus" au lieu de "peuples" en parlant des communautés autonomes celtes. Notre vision des choses évolue parallèlement au lexique que nous utilisons pour la décrire au fur et à mesure que grandit notre connaissance de l'histoire grâce à une neutralité accrue de l'archéologie et une meilleure éthique.
On sait aujourd'hui que chez les Celtes, la noblesse était liée aux comportements vertueux, et non au lignage. La généalogie était tout de même transmise de barde en barde au sein d'un peuple, mais pour des questions de patrimoine et d'héritage, d'appartenance (les adoptions au sein d'un peuple étaient courantes, ce qui prouve bien que le "sang" n'était pas un critère d'appartenance), ou encore de recensement des faits notables, pas tant pour établir une aristocratie pérenne et héréditaire (bien que nombre d'archéologues utilisent encore l'expression "aristocrates celtes"), mais pour les vertus et idéaux que ces histoires mettaient en exergue. 

Les races, dans le Seigneurs des Anneaux, sont donc des peuples selon le lexique actuel. Ils se déclinent comme suit :
  • Les Elfes, clairement inspirés des Tuatha De Danann de la mythologie irlandaise médiévale, sont divisés en "maisons" qui, au cours des âges précédant celui du Seigneur des Anneaux, se sont scindées et hiérarchisées. Les Elfes sont quasi immortels, leur existence peut comprendre plusieurs millénaires (mais ils peuvent être tués par l'épée, retournant alors à un état lumineux éthéré). Leurs cycle de vie n'est pas sans rappeler le cycle de réincarnation des celtes. 
  • Les Magiciens, ou Mages, sont issus de la très ancienne et vénérable lignée Maïar. Ils sont proches des elfes. Ils ont "appris la patience et la compassion envers toutes les races de la Terre du Milieu". Leur existence s'étend également sur plusieurs millénaires.
  • Les Ents sont des êtres végétaux, gardiens des arbres par essence (voir paragraphe ultérieur). 
  • Les Nains sont également issus de différentes lignées réparties en maisons. Ils sont des êtres mortels, bien qu'ils vivent plus longtemps que les hommes. 
  • Les Hobbits se répartissent en familles, quartiers et régions. Leur durée de vie est au moins le double de celle des hommes.
  • Les Hommes, simples mortels, se répartissent selon les lignées : Dunedains (descendants des Núméroréens, à la longue durée de vie), Hommes de Gondor, Rohirrims (peuple de cavaliers, très similaire aux Celtes de l'âge du fer), Haradrims (peuple cruel du sud).
  • Les Trolls et les Goblins sont des créatures inférieures, viles et souvent stupides, qui sont asservies par Sauron pour grossir son armée.
  • Les Orcs sont une ancienne race elfique corrompue par Sauron. Ils forment le plus gros de ses contingents.
  • Les Uruk Haï sont une race fabriquée par Saroumane, sorte de manipulation génétique abominable mélangeant orcs, goblins, elfes, hommes. 

3. "L’œil qui voit tout et qui ne dort jamais"


(.. Je n'ai pas retrouvé l'artiste auteur de cette image)
La tour noire de Sauron, qui surplombe le pays de Mordor, est surmontée d'un grand œil sans paupière, scrutant sans cesse et perçant autant ce qui vit que ce qui est inerte. La surveillance de l'"œil qui ne dort jamais" rend très difficile l'accès au pays de Mordor par Frodon et Sam dans leur tentative d'aller jeter l'anneau dans les flammes du volcan où il fut forgé.

On pense tout de suite, évidemment, à l’œil de la providence symbolisant l'omniscience de Dieu auquel rien n'échappe puisqu'il perce jusqu'aux plus intimes intentions des hommes.

On retrouve cet œil vigilant et tout puissant dans l'iconographie de la franc-maçonnerie. Tolkien n'était pas franc-maçon, à ce que je sache, mais il devait en côtoyer beaucoup à Oxford. Les franc-maçons affectionnent les hauts milieux intellectuels comme ceux de la politique et des affaires. 


L’œil de la providence figure sur le billet de 1 dollar américain, au revers du Grand sceau des États-Unis d'Amérique, se fond dans le décor de nombreuses églises et cathédrales européennes, se retrouve même sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. 



En Égypte, l’œil Oudjat, ou l'oeil d'Horus, symbolisait l'intégrité (la santé dans tous ses aspects). On le retrouvait sur les murs des tombeaux autant que sur des amulettes personnelles.
La culture britannique, comme toute civilisation coloniale, c'est teintée de quelques symbolismes de ses colonies, dont celles de l'Inde. Dans l'ésotérisme Hindou, l’œil est le symbole du chakra Ajna. C'est ce qu'on appelle le troisième œil.
Le point rouge que les Hindous portent au milieu du front représente ce troisième œil, principe de création, de conscience et de bonne fortune. Le dieu Shiva le porte lui aussi. De plus, Shiva est toujours représenté les yeux fermés : il ne les ouvre que pour créer. L’œil ouvert, l’œil rond, est symbole de création.


Dans l'ancien védisme, racine religieuse que l'Hindouisme a un commun avec la culture celtique, et encore dans la pratique du Yoga actuel, le troisième œil situé au milieu du front représente la glande pinéale, petit organe crânien photosensible en forme d’œil, qui joue un rôle dans la régulation du rythme biologique garant d'une bonne santé. 

Mais c'est dans la mythologie celtique médiévale insulaire que Tolkien a plus probablement puisé l'idée de l’œil unique qui y est associé à Balor, roi des Fomoires. 
Les Fomoires sont constamment en guerre contre tous. Ils sont décrits dans les transcriptions comme la personnification du chaos. Ils sont violents et difformes. Leur roi, Balor, a un seul œil au milieu du front, tel un cyclope, dont il se sert que pour foudroyer et anéantir ses ennemis. Il le garde fermé la plupart du temps, au point qu'il n'arrive plus à l'ouvrir de lui-même. 
Arrive alors Lug, le dieu solaire par excellence, toujours aussi charmeur et loquace, et qui est en réalité le petit-fils de Balor (la généalogie mythologique irlandaise est tumultueuse et extrêmement complexe). Balor, qui craint la réalisation d'une prophétie annonçant sa mort de la main d'un de ses descendants, désire voir Lug et demande à ses soldats de lui soulever la paupière. À peine l’œil est-il ouvert que Lug le perce de sa lance infaillible (ou d'une pierre à l'aide d'une fronde dans les versions où les moines transcripteurs ont voulu recréer un David et Goliath irlandais... Mais l'attribut de Lug est bel et bien la lance infaillible !).

Dans sa chute, l'énorme Balor écrase une bonne partie de sa propre armée, comme la défaite de Sauron engloutit une bonne partie de sa sienne...

[https://www.deviantart.com/ionus]
Bref, les inspirations ne manquaient pas pour que l’œil de Sauron trouve logiquement et simplement sa place de vigile du mal tout puissant dans l'univers de Tolkien.

Aujourd'hui, l'oeil de Sauron rejoint l’œil de la providence dans les théories du complot où il incarne tour à tour Big Brother, Big Data, les Illuminati, et bien d'autres sociétés secrètes et puissances internationales facilement comparées aux objectifs et méthodes de Sauron.


4. La personnification des éléments naturels


Dans les textes mythologiques irlandais et gallois, la topologie et toponymie ont une importance symbolique. Par exemple, dans le Cath Maige Tuired, les talons du Dagda creusent les vallées de l'Irlande, et la massue qu'il traîne derrière lui crée le fossé frontalier de la province. La Morrigan se transforme en un chêne vénérable. Le lit où le Dagda et la Morrigan s'unissent devient une vallée nommée "le lit du couple". Etc.
"Le lit du couple"
[https://khofin.skyrock.com/26.html
Chez les Celtes de l'âge du fer, les éléments marquants du paysage sur le territoire d'un peuple étaient souvent divinisés : fleuves et rivières, collines et arbres remarquables, falaises et vallées. 
Dans les versions poétiques bardiques, qui se sont transmises dans les histoires populaires, ces particularités paysagères ou éléments naturels apparaissaient sous forme humaine, réveillés par tel ou tel héros (voir l'article sur le culte celte de l'héroïsme ICI). La forêt des Ardennes, notamment, était Arduinna, une déesse promulguant protection et abondance. 
Tolkien ne manque pas de rebondir sur ce phénomène : les rivières, les vallées, les montagnes, les forêts, les rivières, sont des entités vivantes, leur biotope devient une personnalité à part entière.

Par
exemple, la rivière Nimrodel qui prend sa source dans les Monts Brumeux de la Terre du Milieu détient la faculté de soulager les voyageurs fatigués. Elle se divise en deux pour rejoindre, un peu plus loin, le fleuve Celebrant après avoir traversé Lothlorien, et cette réunification doublée d'un confluent est décrite comme une union amoureuse. Nimrodel est personnifiée dans les chants elfiques puisque son nom vient d'une jeune femme elfe qui chantait et dansait la nuit, sous les étoiles, près d'une chute d'eau, à l'entrée de la Lothlorien. La légende raconte que l'on peut encore entendre sa voix dans la cascade.
"Nimrodel", de l'artiste Julian Bauer
[https://www.inprnt.com/gallery/julianb/the-falls-of-nimrodel/]
De telles légendes et allégories existent pour presque tous les éléments naturels de la Terre du Milieu, principalement chez les Elfes, évidemment, qui décèlent la vie là où les autres ne voient que des choses, mais le pays des Hobbits n'est pas dénué de personnifications, non plus les montagnes des nains. 
La rivière prend littéralement forme humaine avec le personnage de Baie d'Or (paragraphe suivant).
Par contre, les hommes sont moins enclins à cette pratique. 
Quant aux orcs, ils ne voient ni ne respectent rien... Ils en sont presque réduits à l'état de zombies.


5. Les ladies


D'aucuns reprocheront à Tolkien d'être sexiste parce que la majorité de ses héros sont masculins. Parallèlement, les quelques héroïnes du Seigneur des Anneaux sont toutes issues de la noblesse.  
Tolkien définissait de manière assez stricte le féminin et le masculin. Il détestait les Dandies, les hommes efféminés, autant que les femmes qui s'habillaient en hommes et voulaient les imiter.
Malgré tout, lorsqu'on considère honnêtement le contexte social dans lequel évoluait Tolkien, on peut dire que bien que les personnages féminins soient rares dans ses écrits, ses héroïnes ont un caractère très féministe !

Entre 1850 et 1950, dans la littérature de fiction britannique, un tiers seulement des personnages est féminin. Le nombre d'auteurs féminins chute, au début du 20è siècle. Étrangement, plus de femmes auteurs étaient publiées durant l'ère victorienne ! Mais il nous reste les contemporaines de Tolkien : Agatha Christie, Lucy Maud Montgomery, Mary Stewart... Dont les personnages féminins font preuve d'une incroyable résilience d'une sagacité hors pairs ! 

Le lexique de l'époque est également affecté, beaucoup plus genré (les hommes "possèdes", les femmes "ressentent", les hommes "grimacent et ricanent" tandis que les femmes "sourient et rient aux éclats", les hommes  célibataires vivent dans des domaines ou des maisons, les femmes célibataires, dans des appartements ou des chambres, etc.). 
Les héroïnes des écrivains du début du 20è siècle sont souvent des victimes, alors que simultanément, le mouvement des suffragettes remue le couteau dans la plaie des nobles patriarches de la chambre des Lords.
Durant la première guerre mondiale, à laquelle Tolkien fut enrôlé, la place des femmes recluses au foyer est remise en question : leur contribution aux ravitaillements, aux munitions et aux hôpitaux militaires fut considérable et émérite, et valut à une première représentante de la gente féminine de siéger au parlement britannique en 1919 !

Les héroïnes du Seigneur des anneaux, toutes des ladies, ne sont ni soumises, ni martyrs, ni purement décoratives ou fonctionnelles comme dans les romans d'espionage de Ian Fleming, publiés à la même époque. D'ailleurs, ce n'aurait pu être autrement, considérant la source d'inspiration de Tolkien, car il en va des mythes celtiques médiévaux - malgré l'influence chrétienne des transcripteurs - comme de la société celtique de l'âge du fer : la femme y est l'égale de l'homme, elle y prend une part active au déroulement de la société. 
Dans la culture celtique, la nature de l'homme et de la femme sont distincts, autant que l'eau et le feu, mais pas opposées. Masculin et féminin sont imbriqués comme le Yin et le Yang ou les deux faces d'une même pièce, et conséquemment, leurs actions et fonctions diffèrent au sein de la société sans toutefois frôler la moindre hiérarchisation des fonctions, des sexes et des genres. C'est le couple qui préside (plus d'infos ICI). 

Néanmoins, le Seigneur des Anneaux ne correspond pas à la parité exigée des  oeuvres commercialisées au 21è siècle, au point que Peter Jackson, dans son adaptation cinématographique, afin de s'aligner sur les réglementations mises en vigueur par les maisons de production, a dû éliminer du script le personnage masculin de Glorfindel et donner son rôle à Lady Arwen, ce qui a fait bondir pas mal de fans, moi y compris ! 
Peter Jackson a dû également inclure une guerrière elfe dans son adaptation du Hobbit, en plus d'ajouter les interventions de Lady Galadriel, vu que ce livre de Tolkien est totalement dépourvu de personnages féminins.

Dans le Seigneur des Anneaux de Tolkien, aucune femme ne siège au conseil d'Elrond, où sont prises les décisions cruciales pour l'avenir de tous les peuples de la Terre du Milieu. Aucune femme ne sera incluse dans la communauté de l'anneau.
Il n'y a pas de magiciennes.
Les femmes Ents ont disparu depuis des siècles.
Aucune femme n'est jamais mentionnée chez les nains.
L'intendant du royaume de Gondor est veuf. Dans la galerie des tombeaux des rois du Gondor, à Minas Tirith, nul portrait ou statue de reine.
Il n'y a pas non plus d'orcs ni de goblins ni de trolls au féminin, mais de cela, on ne s'en plaindra pas trop ^^

Les héroïnes du Seigneur des Anneaux : 

  • Lady Galadriel : issue de la lignée de Noldor et regardée comme la plus puissante des Eldar. Elle a vécu les âges précédents aux événements du Seigneur des Anneaux. Elle est à l'origine de la Lothlorien (elle y planta les premer Mallorns) et possède l'un des trois anneaux elfiques forgés par Celebrimbor. Au troisième âge de la Terre du Milieu, les elfes sont souvent réservés, cantonnés dans leurs écrins de nature préservée, très peu enclins à intervenir dans le déroulement du monde. Galadriel fait exception à plusieurs reprises. Elle persuade plusieurs fois le seigneur Elrond d'aider les hommes dans leur combat contre Sauron et Saroumane. Elle reçoit les membres de la communauté de l'anneau à Lorient, les réconforte et les soutient, leur offre des présents. Plus tard, elle envoie un contingent armé au secours des Rohirrims au Gouffre de Helm. Galadriel est l'épouse du seigneur Celeborn, très discret dans l'histoire.
"Galadriel's ring", par Greg Hildebrandt
Galadriel dispose d'un moyen de consulter l'avenir potentiel grâce à un bassin rempli d'eau de source, un "miroir". Dans la mythologie celtique, la faculté de voir l'avenir est souvent attribuée aux femmes. Les devins et oracles celtes étaient en majorité des femmes, même au sein du druidisme. Leur intuition était aiguisée, reconnue et respectée. 
L'eau est un élément typiquement féminin, lié à la prescience (la "pré-vie", ou la l'existence embryonnaire et interne de toute chose, soit l'intention, l'initiation et le potentiel, aussi bien que la source de toute inspiration).
  • Lady Arwen : Fille du seigneur Elrond (semi-elfe) et de Celebrian, fille de Galadriel et de Celeborn. Arwen est donc la petite fille de Galadriel. En elle resurgit la beauté de son aïeule Luthien qui avait fait le choix de la mortalité par amour pour Beren (Le Silmarillon). Arwen est surnommée "l'étoile du soir". Très discrète dans le Seigneur des Anneaux de Tolkien, elle s'y comporte comme une Lady : elle brode dans sa tour, accompagnée de ses suivantes (ce qui fait beaucoup penser à "The Lady Of Shalott" d'Alfred Tennyson), où elle confectionne patiemment un étendard destiné à l'avènement de son bien aimé Aragorn. Elle descend le soir au banquet où elle siège posément et gracieusement sous un dais. Au grand dam de son père, Arwen a choisi la mortalité par amour, comme l'avait fait son aïeule Luthien avant elle, au lieu de quitter la Terre du Milieu avec les autres elfes. Elle soutient Aragorn avec dévotion, sagesse et élégance. On la rencontre très peu dans le livre. Arwen arrive au lecteur par l'intermédiaire des pensées, poèmes et rêves d'Aragorn. Elle devient reine des hommes du Gondor en épousant Aragorn à l'aube du quatrième âge.
"Arwen", par Anna Kulisz
[https://fineartamerica.com/featured/arwen-anna-kulisz.html]
Peter Jackson a très bien expansé le caractère et la présence de Lady Arwen dans son adaptation cinématographique (même si l'exclusion subséquente du seigneur Glorfindel m'arrache un peu le coeur). Il en a fait une femme aussi magnifique qu'assertive, aussi forte que tendre et sensible, et bien décidée à épouser Aragorn selon son coeur et contre la volonté de son père. Elle est bien plus active dans son soutien envers le futur roi. Le conflit entre Elrond et sa fille est intensifié dans le film de manière poignante sans tomber dans la mièvrerie. 
J'ignore ce que Tolkien aurait pensé d'une telle Arwen à son époque. Les caractéristiques d'Arwen dans le livre la confine à l'esprit romantique littéraire inspiré des épopées médiévales chevaleresques et n'a presque plus rien de celtique. 
Par contre, je trouve que le personnage et la romance ont été avantagés par l'adaptation cinématographique (une fois passé le choc de l'éviction de Glorfindel ^^). Un point pour le féminisme !

Arwen au gué de Foncombe dans le film de Peter Jackson, brandissant l'épée,
défiant les cavaliers noirs de Sauron.
Plus seulement une Lady, pas vraiment une guerrière...
Ce rôle était échu à Glorfindel dans le livre de Tolkien.
Le cheval elfique, Asfaloth, qui emporte Frodon de l'autre côté du gué,
a conservé sa place d'importance.
  • Lady Eowyn : Nièce du roi Théoden de Rohan, cette jeune femme tourmentée demeure fidèle à elle-même dans le livre et dans le film. Elle souffre d'être reléguée à un rôle figuratif et rêve de combattre aux côté de son oncle, auprès d'Aragorn. Eowyn craint de vivre dans une cage bien plus qu'elle ne craint la mort. À l'instar de Mulan, elle masquera sa féminité sous un attirail de guerrier et s'intégrera dans la cavalcade qui mène au désastreux champ de bataille du Pelenor, aux porte de Minas Tirith. Elle s'y dressera seule contre le terrible roi-sorcier d'Angmar, autrefois possesseur d'un des neufs anneaux destinés aux rois des mortels, devenu le chef des neufs Nazgûls ou spectres serviteurs de Sauron, qui ne peut être tué par aucun homme. "Je ne suis pas un homme !" s'écrie Eowyn avant de le terrasser. 
"Eowyn", par Ted Nasmith
Eowyn, vierge guerrière, fait un peu penser à un mix entre Jeanne d'Arc et la reine celte Boadicea. 
Malheureusement, Tolkien s'empresse de la "ranger" dès que la bataille est finie. L'amour qui mène au mariage a cette effet, à l'époque de Tolkien jusqu'à très récemment, de "ranger" les femmes. Eowyn revient à la "cage" de son statut de Lady sans broncher dès qu'elle tombe amoureuse du noble Faramir, fils de l'intendant du royaume du Gondor et capitaine de l'armée. 

Personnages féminins secondaires : 

  • Baie d'or : fille de la rivière et épouse de Tom Bombadil. Leur histoire prend sa source (sans jeu de mots) dans la personnification des éléments naturels dont j'ai parlé plus tôt. Elle apparaît pour la première fois dans "Les aventures de Tom Bombadil", un recueil de poèmes de Tolkien, paru en 1962. La fille de la rivière y tombe amoureuse de Tom Bombadil, un personnage immortel qui n'est ni elfe, ni homme, ni magicien, qui semble sorti tout droit de la création du monde, tel une résurgence de toute Vie concentrée en une entité anthropomorphe non affectée par le temps ni par le mal. La fille de la rivière le fait tomber dans l'eau, l'entraîne par la barbe. Tom l'attrape par ruse lorsqu'elle prend forme humaine et il l'épouse. Cela nous ramène au phénomène similaire à celui d'Eowyn : la femme mariée est "rangée"; Une femme n'est plus libre d'être elle-même ni de poursuivre un objectif personnel dès qu'elle devient épouse. Dans le Seigneur des Anneaux, Baie d'Or et Tom offrent l’hospitalité aux Hobbits au tout début de leur voyage. Elle apparaît comme une véritable fée du logis : nourriture sur la table, rangement, organisation et propreté, literie impeccable... Il y a même un jour de la lessive ! Tout cela, Baie d'Or l'accomplit en chantant et en virevoltant, joyeuse, fraîche et bondissante comme un ruisseau. 
"Baie d'Or et Tom Bombadil" par Milo
[https://miloneuman.tumblr.com]
  • Les femmes Hobbits sont typiques du cliché des paysannes : endurantes, fertiles, travailleuses, ayant un sens pratique développé, terre-à terre... Il ne semble pas y avoir de sexisme chez les Hobbits, même si Tolkien n'approfondit pas vraiment la question. Les personnages féminins n'arrivent dans la narration que lorsqu'elles interagissent avec les personnages de Frodon ou de Bilbon.
    • Lobelia Saquet de Besace : Voilà une hobbit au caractère de mégère bien trempé ! Parente de Bilbon, elle lui envie le domaine de Cul de Sac. La longue vie de Bilbon, le fait qu'il ait nommé son neveu Frodon comme héritier, la font enrager. À chacune de ses visites (non prévues ni souhaitées), elle parvient à chiper l'un ou l'autre bibelot en compensation de son héritage manqué.
    • Rosie Cotton : Jeune femme hobbit au tempérament bien plus agréable, de laquelle Sam tombe éperdument amoureux.
    • Les matriarches Hobbits : Elle ne sont mentionnées que lorsque la généalogie entre dans le sujet, souvent dans les abondantes annexes au Seigneur des Anneaux et au Hobbit, ou que la particularité des aïeux et aïeules entre en ligne de compte dans les décisions des protagonistes Hobbits. Les femmes Hobbits semblent avoir un sacré caractère ! Ce genre de matriarches est mentionné également dans l'histoire de Sméagol, d'une race apparentée aux Hobbits.

6. Les Ents


Les Ents sont des créatures végétales créées au premier âge pour protéger les êtres vivants qui ne peuvent se mouvoir et qui n'ont pas de voix. Leur apparence se calque sur l'essence d'arbre qu'ils représentent. Les femmes Ents sont des arbres fruitiers. Sylvebarbe, l'Ent principal du Seigneur des anneaux, est un chêne, évidemment.
La population des Ents décline fortement au cours du troisième âge. D'une part, parce que les femmes Ents ayant disparu après avoir appris l'agriculture aux hommes (il n'y a pas d'explications à leur disparition dans les oeuvres de Tolkien), les Ents ne peuvent plus se reproduire. D'autre part, parce que la Vie quitte la Terre du Milieu et que les Ents s'endorment pour devenir des arbres ordinaires (Huorns).
Ent, par Mironishin
Les Ents perçoivent le langage et le temps d'après une perception "végétale" très différente de celle des mortels. 

Sylvebarbe, par Allan Lee
Dans Le Seigneur des Anneaux, Sylvebarbe rassemble les Ents pour combattre Saroumane dont l'industrie rasait et brûlait la forêt. Sylvebarbe réveille les Huorns. D'un côté, les Ents assiègent la tour du magicien corrompu, de l'autre, la forêt s'avance pour "dévorer" l'armée d'orcs qui attaquait les hommes de Rohan au Gouffre de Helm.

Les Ents en général et cet événement en particulier sont directement inspirés de deux transcriptions médiévales galloises de traditions celtiques.

La première est "Le combat des arbres", un poème trouvé dans Le roman de Taliesin, lui-même inclus dans Le livre rouge d'Hegest, un recueil de poèmes anciens transcrits au 13è siècle, mieux connu sous le titre de Mabinogion, ou "Jeunesse du pays de Galle", qui compile les récits mythologiques gallois conjoints à ceux de l'Irlande.
Le livre rouge d'Hegest fourmille de jeux de mots, de grammaire et de style (vers épigrammatiques, anagrammes, charades, logoriphes, etc.) et d'énigmes dont les réponses sont jetées pèle-mêle à travers d'autres histoires et poèmes : c'est sans doute de là que Tolkien à tiré son idée du jeu de devinettes entre Bilbo et Gollum, d'une tradition orale commune.
Tolkien a évidement étudié et travaillé à la traduction de ces textes.

"Le combat des arbres", ou Câd Goddeu, est un poème qui semble dénué de sens et exagérément laborieux, tout simplement parce que les vers ont été délibérément mélangés.
Ce poème liste la variété d'essences d'arbres et leur propriétés "magiques" et usages divers, certains sacrés, d'autres simplement pratiques.
Le combat n'en est pas un en tant que tel, il figure plus une lutte entre divers protagonistes, certains déifiés, d'autres "magiques", en relation avec la transmission d'un patrimoine de connaissances concernant la flore et la faune du pays et l'insertion de l'activité agricole humaine dans ce milieu, ainsi que d'anciens mouvements successifs de peuplades (migrations) en provenance du continent - les Celtes, faut-il le rappeler, sont des peuples semi-nomades.

La seconde est "L'alphabet des arbres", une liste alphabétique d'essences d'arbres liée à une forme de calendrier de "magie saisonnière" supposément originaire d'une tradition orale druidique retranscrite par Roderick O'Flaherty (Ruaidhrí Ó Flaithbheartaigh), historien irlandais du 17è siècle ayant consacré sa vie à la transcription et traduction d'anciens textes et traditions locales, ainsi qu'à la compréhension de l'alphabet Oghamique. 
L'alphabet des arbres aurait eu un usage divinatoire, principalement, mais également pratique. Il est clair que le calendrier gaulois dit "de Coligny", qui conjugue l'année solaire et lunaire, nous en apprend beaucoup sur la conception du temps chez les Celtes, sur les célébrations saisonnières et leurs significations, mais il est incomplet. Il devait très probablement être couplé avec d'autres connaissances pour servir à la transmission orale et traditionnelle de la cosmogonie celtique, de la notion du temps, de la compréhension et implication des saisons et l'intégration des activités humaines dans l'environnement au cours de l'année. Cet "alphabet des arbres" pourrait être l'un des éléments manquants.

À chaque arbre correspond une lettre en gaélique ancien, une saison ou période de l'année, un symbolisme, un usage "magique" et pratique, selon les caractéristiques de l'arbre en question. Notez que tous les arbres mentionnés dans cet alphabet ont une place prépondérante dans le folklore européen (qui n'intéresse plus personne, soit-dit en passant, depuis que nos arrières arrières grand-parents ont cessé de se transmettre les traditions agricoles et leurs dictons, confirmant les mots de Lady Galadriel  : "... Beaucoup de ce qui a existé jadis est perdu. Car aucun de ceux qui vivent aujourd'hui ne s'en souviennent."

NB : De cette "magie" particulière à chaque essence d'arbre, de cette tradition druidique (bâtons de divination, de protection, de guérison, de bénédiction/malédiction, et toute la pharmacopée de fruits, feuilles, sève dans les potions et onguents) fut extraite l'invention des baguettes magiques, sur laquelle a rebondi  J. K. Rowling avec créativité dans ses "Harry Potter". 

7.  Conclusion


Je pourrais encore m'étendre sur bon nombre de thèmes, allégories et symbolismes du Seigneur des Anneaux se rapportant à la culture celtique, comme la question des noms :

- Dans la culture celtique, une personne porte plusieurs noms au cours d'une vie : un nom d'enfant, un nom d'adulte, un nouveau nom ou l'ajout d'un affixe lié à l'entrée dans une fonction ou suite à un événement, une action révélant une nouvelle caractéristique de la personne. On retrouve cette évolution du nom auprès de nombreux personnages dans Le Seigneur des Anneaux.

- Tolkien a également puisé dans la tradition celtique de dénomination des épées, des armes et des attributs selon les hauts faits et accomplissements de leurs propriétaires. L'épée est la prolongation de son porteur et représente en outre la fonction guerrière régulatrice et protectrice, assurant la prospérité du peuple. Elle est aussi le symbole du masculin (pénétration qui transforme par la vie dans le cas du phallus, par la mort dans le cas de l'épée - mais la mort est l'autre versant de la vie pour les Celtes). L'épée est ainsi personnifiée et cela aurait valu un paragraphe entier supplémentaire.

J'aurais aussi encore pu parler de la symbolique du cycle de réincarnation propre aux celtes que l'on retrouve dans l'évolution de certains personnages (Aragorn, Gandalf...)

Mais je crois que je vais m'arrêter là...

J'espère avoir pu apporter un certain éclairage contextuel et celtique de la lecture du Seigneur des Anneaux et que cela vous a intéressé. 
Peut-être même irez-vous creuser davantage l'un ou l'autre sujet ou suivrez-vous les liens proposés.

N'hésitez pas à poser vos questions et laisser votre avis en commentaire. 



FLB


(1) Une idéologie est un système prédéfini d'idées, appelées aussi catégories, à partir desquelles la réalité est analysée, par opposition à une connaissance intuitive de la réalité sensible perçue

(2) Étymologie : de centraliser, venant du latin centrum, centre.

Centralisation du pouvoir : réunir dans un même centre, sous une autorité unique.

Dans une organisation hiérarchisée, on appelle centralisation le processus qui consiste à transférer un pouvoir de prise de décision à un niveau plus élevé.

La centralisation est un mode d'organisation de l'Etat dans lequel une autorité centrale détient l'ensemble des pouvoirs de décision (politique, administratif, financier) et des attributions de la puissance publique. Le niveau local est totalement dépendant du niveau central. La centralisation se traduit par une volonté unique qui est celle du sommet de l'Etat et qui se transmet jusqu'aux extrémités du pays, avec une administration unifiée et hiérarchisée.

Exemple : la centralisation, en France, a commencé sous l'Ancien régime et notamment sous le règne de Louis XIV, roi de 1643 à 1715. Elle s'est accentuée sous la Ière République surtout sous Napoléon Ier avec l'instauration des préfectures



(3) À l'origine, ces mythes ne faisaient que raconter de manière allégorique, conformément à la tradition orale, la mobilité, l'origine et la rencontre des différents peuples, les Celtes semi-nomades étant férus d'expéditions migratoires (plus d'infos ICI).




Bibliographie (sélection) : 


  • J.R.R. Tolkien, oeuvre complète, éditions diverses en anglais et en français
  • Humphrey Carpenter (1980), J. R. R. Tolkien, Christian Bourgeois Éditeur
  • Christopher Tolkien & Humphrey Carpenter (2005), Lettres, Christian Bourgeois Éditeur
  • Thomas Alan Shippey (2016), J.R..R Tolkien, auteur du siècle, éditions Bragelonne
  • Robert Graves (1979), Les mythes celtes, éditions du Rocher
  • Miranda Jane Green (1995), Celtic Myths, éditions du Seuil
  • Marie-Louise Sjoestedt (1949), Gods and Heroes of the Celts, Methuen
  • Christian-J. Guyonvarc'h & Francoise Leroux (2001), La civilisation celtique, Petite Bibliothèque Payot
  • Christian-J. Guyonvarc'h & Francoise Leroux (1997), Magie, médecine et divination chez les Celtes, Bibliothèque scientifique Payot
  • The Mabinogion, Oxford University Press (2006), Sioned Davies translation
  • The Poems of Taliesin, School of Celtic Studies (2010)
  • Gerard Murphy (1955), The Osseanic Lore and Romantic Tales of Medieval Ireland, Colm O Lochlainn - Dublin


Sur la littérature britannique du 20è siècle

https://www.theguardian.com/books/2018/feb/19/women-better-represented-in-victorian-novels-than-modern-finds-study

https://www.encyclopedia.com/social-sciences/encyclopedias-almanacs-transcripts-and-maps/women-early-mid-20th-century-1900-1960-women-and-arts


http://www.bbc.co.uk/history/british/modern/jmurray_01.shtml