lundi 17 mai 2021

Pulsion d'auteur

Si l'on place mes romans sur un spectre de A<--|--|--|--|--|--|--|--|--|-->B


A étant l'oeuvre la plus désintéressée et B, l'oeuvre la plus égocentrique, on débute, évidemment, au point A, par le roman historique, dont la démarche m'oblige à me décentrer par respect envers les faits d'époque et les personnages réels, envers la culture concernée, avec autant d'objectivité et d'honnêteté intellectuelle que possible.

S'échelonnent ensuite les romans de fiction dont la narration navigue sur des courants plus ou moins universels, dont les thèmes sont plus ou moins actuels et les personnages, quoique des extensions de moi-même (c'est inévitable), possèdent des caractéristiques communes aux lecteurs, en tout cas reconnaissables et sujettes à identification.

Et on termine avec Le guerrier, relégué en B, à l'autre bout du spectre. 



Le guerrier, je l'ai écrit en deux mois par pure pulsion égotique, pur instinct. Comme un bébé que j'aurais fait toute seule. 

Ses personnages incarnent cet atavisme qui me caractérise depuis toujours, que je dissimule tant bien que mal sous les masques d'usage. Ils évoluent en total décalage avec le monde actuel et assument leur marginalité sans aucune pudeur. Ce roman dénué de filtres est une résurgence de valeurs, de vertus, d'inclinations d'un autre temps, peut-être d'une vie passée, associées à un paradigme disparu - pour autant qu'il ait jamais existé! 

Ces prédispositions archaïques sont les mêmes qui me poussent irrésistiblement vers les âges reculés de la culture celtique, engendrant les romans historiques, sauf que puisque l'Histoire ne m'appartient pas, puisqu'elle est régie par des institutions au regard critique, penchées par-dessus mon épaule, je m'astreins à une écriture extrinsèque : la pratique d'une reconstitution historique littéraire est impersonnelle. Je n'existe plus que dans les détails.

Par contre, Le guerrier ne comprend aucun syncrétisme, ne répond à aucune autorité, ne contient aucun compromis. Il est "moi" à l'état natif.

Écrire sans penser... Ça, c'est fait ! 

Pourquoi l'ai-je donné à lire, dans ce cas, me demanderez-vous ? Sans doute, comme l'évoque si bien l'anthropologue Philippe Descolas dans La composition des mondes, à cause de "ce formidable culot narcissique qui pousse les auteurs de fiction à fourguer sans vergogne une partie de leur monde intérieur à de parfaits inconnus". 

J'ai récemment revisité consciencieusement le manuscrit du Guerrier. Sans en altérer le fond, j'en ai raffiné la forme, éliminant les dernières coquilles, les redondances, les lourdeurs. Je ne cesse d'apprendre et de m'améliorer, en tant qu'écrivain. Je voulais que Le guerrier bénéficie de mes progrès. C'est l'avantage de l'autoédition : l'auteur conserve la prérogative de peaufiner son oeuvre. J'en ai préservé le style, qui est concret, direct et visuel, comme ma pensée, bien moins lyrique que dans mes romans historiques. Point d'abstraction stylistique ou textuelle, dans Le guerrier, mais globale, fidèle à mon entendement holiste. Le roman entier est une conceptualisation, les symboles sont anthropomorphes et narratifs à l'instar des anciennes pratiques mythiques.

Le guerrier a été reçu avec la même perplexité que tout ce que je donne d'authentique. Interpellée par certaines des réactions, je me suis permis une auto-analyse a posteriori. En bref, ce roman est l'expression d'une double dysphorie. D'un côté, mon incompatibilité avec le monde actuel. Une goutte d'huile dans un verre d'eau. Un grumeau dans la crème. De l'autre, le malaise d'être un étranger dans mon propre corps, qui me conduit à me réaliser par procuration à travers Hugo, le personnage central de ce roman. 

J'y ai aussi retrouvé quelque chose de Nietzschéen. 




Le traitement de cette philosophie dans Le guerrier est imparfaite, et probablement aussi atypique que ma pensée autistique. D'aucuns le trouveront puéril, sans doute, ou primaire. J'ai l'habitude. Ma spontanéité est souvent décriée selon les sempiternels arguments de l'intellect et de la raison stoïcienne. Mon don, lui, de prime abord, est brut et brutal, impulsif, intuitif, sentimental, parfois lyrique, dramatique, romanesque, émotif.

Barbare, sauvage.

Quand je vous parlais d'atavisme...

Peu importe, après tout, chers lecteurs. Il ne s'agit que d'un roman sans prétention aucune, pas d'une profession de foi. Cette fiction allégorique peut être lue en tant que telle : une histoire par laquelle on s'évade, une expérience de vie sans les risques. La lecture, c'est quelque chose qu'on peut éprouver sans sortir de son canapé.

Pour moi, l'écriture est un lieu où je peux être pleinement, vivre absolument. 

Et sans plus sortir du canapé que mes lecteurs, elle est aussi un moyen de rencontrer la société à mi-chemin.

J'ignore encore si l'intention est mutuelle.

Ou si rencontre il y aura !



FLB


"Le guerrier" n'est plus disponible en auto-édition : il est pour l'instant examiné par les éditions ACADEMIA avec un accord oral de publication, sous condition que mes révisions soient au goût des éditrices. 







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