Adieu les couloirs, bonjour l'horizon !
Les couloirs, je ne les connais que trop bien. On nous demande sans cesse d'en choisir un et d'aller jusqu'au bout parce que ça, c'est bien. Mais après une vie passée à me confiner aux couloirs qui m'étouffent et n'en finissent pas, je commence sérieusement à me demander si je ne prendrais pas la porte, tout simplement !
A l'école, les couloirs sont des options de curriculum, les uns menant à tel métier, les autres à telle vocation. Une fois que l'élève à choisi (ou a été poussé selon l'un ou l'autre évaluateur ou selon des "points" pourtant bien peu représentatifs de son potentiel réel et de ses propres aspirations) dans une direction, un certain couloir, il s'y retrouve souvent coincé. Revenir en arrière, c'est perdre beaucoup de temps, et les couloirs ont souvent des heures d'ouverture limitées ! Rebrousser chemin pour en changer, c'est risquer de trouver porte close.
Le mariage est un couloir dans lequel les joyeux époux s'engouffrent souvent bien trop tôt et pour de mauvaises raisons. Là aussi, vouloir quitter le couloir, c'est revenir à un point de départ tout en étant dépourvu des avantages de la jeunesse mais bardés de blessures amères.
La religion est un autre couloir que je connais très bien. J'y fus déposée à ma naissance et je n'avais plus qu'à le suivre, peu importe ma nature, ma personnalité. Ce couloir est l'un des plus restrictifs et des plus étroits. Il bouche la vue et contrôle l'esprit. Pas question de revenir en arrière, pour moi en tout cas qui avait trop été conditionnée à "endurer jusqu'à la fin". Pour en sortir, je dû m'armer d'une solide masse et démolir toutes les cloisons jusqu'à presque entièrement consumer ma propre énergie. Je n'en suis d'ailleurs pas encore remise...
Professionnellement, les couloirs sont rigoureusement délimités et ne communiquent pas. Les choix dépendent des études, des diplômes, des spécialisations. Emprunter tel couloir réclame souvent une expérience accrue, mais les couloirs qui permettent d'acquérir cette expérience vous sont fermés pour d'autres raisons : votre âge, les limitations de votre diplôme ou l'absence d'un autre diplôme.Votre expérience dans un autre couloir peut même jouer en votre défaveur parce que vous en sortez irrémédiablement étiqueté.
Les diplômes n'offrent pas d'expérience mais l'expérience ne vous ouvre plus de porte sans diplôme. Et dans ce cycle infernal demeurent fermés les couloirs espérés.
Aujourd'hui, après une vie passée à tenter en vain de me conformer aux exigences de tous les couloirs qui m'étaient imposés au point de m'en rendre sérieusement malade, je commence à questionner leur utilité, voire même leur bien-fondé.
Ces couloir sont établis par une société de plus en plus structurée qui s'évertue à réguler et cadrer la vie de ses citoyens, invoquant la nécessité de la sécurité sanitaire, la protection des métiers et la prévention des fraudes, imposant des normes que nous n'avons la plupart du temps pas demandées mais qui compliquent les choix et multiplient les culs-de sac.
La sécurité tue la liberté, c'est bien connu !
D'ailleurs, j'écrirai prochainement un article sur la pilule "sécurité" et ses effets secondaires.
D'accord, la société est ainsi. Mais dire qu'on ne peut rien y faire, c'est encore une fois abandonner notre pouvoir, comme je l'ai écrit dans un article précédent. Le monde fonctionne d'une certaine manière, mais nous ne sommes pas obligés de penser de cette même manière . Car là où nous avons toujours le choix, c'est bien au niveau de notre pensée ! C'est là aussi qu'est la seule vraie liberté.
Et la pensée finit toujours par façonner notre réalité, peu importe les conditions imposées dans le monde physique.
Ces couloirs réclament très tôt que nous choisissions un objectif et nous imposent de nous y tenir.
Mais pour ma part, j'ai laissé tomber cette obsession de l'objectif.
Houlà ! Tout de suite les grands cris ! Et la réussite, alors ? Ce fameux Graal moderne qui nous pousse vers l'épanouissement professionnel avec son meilleur salaire, plus de responsabilités, moins de pression... Qui nous fait sortir de notre zone confort et qui s'acoquine avec le développement personnel, comment pourrait-on l'abandonner, cette sacro-sainte réussite ? C'est de la folie !
La culture du contrôle et du labeur nous persuade que tout doit se mériter, que tout est difficile à gagner, que les règles du jeu sont de toute façon faussées et que nous devrons lutter, forcer, puis, paradoxalement, qu'il nous faut avoir des rêves à poursuivre sans relâche, et surtout de l'ambition car les gens sans ambition ne sont-ils pas apathiques ? Ou paresseux ? En tous cas, pathétiques.
La folie des uns est la sagesse des autres...
Etre constamment dans l'envie, l'espoir, se projeter dans le futur, nous fragmente. Nous vivons alors dans la comparaison entre la situation rêvée, espérée, voire inaccessible, et celle d'aujourd'hui. Sans cesse, nous évaluons un présent insuffisant par rapport à un futur idéal. Sans cesse, nous voulons être quelqu'un d'autre tout en ignorant totalement qui nous sommes.
La poursuite de demain, l'ambition d'aller plus loin, plus haut, autrement, installe un stress latent, une insatisfaction tacite, une frustration omniprésente. Il s'agit d'un très long couloir qui nous garde les yeux fixés droit devant dans l'inconscience du moment présent.
Un objectif, dans un couloir, après tout, n'est rien d'autre qu'un point de fuite !
Personnellement, plus j'avance, et plus de suis fatiguée de courir après ceci ou cela, d'espérer ceci ou cela. C'est l'une des leçons de la maladie : pour éviter les efforts inutiles, pourquoi ne pas cesser de se projeter en avant dans la perspective et se concentrer sur "ici et maintenant" et laisser venir le reste. Il faut dire que j'ai aujourd'hui assez confiance en moi et en la vie pour croire que les opportunités convenables se présentent quand elles sont nécessaires.
Et depuis que je teste cette manière de vivre, c'est le cas !
Ainsi, je me détourne de l'espoir, et forcément de son contraire, le désespoir.
Comme disait la Comtesse de Grantham dans la série britannique Downton Abbey : "L'espoir est un leurre conçu pour nous empêcher d'accepter la réalité."
J'ai arrêté d'espérer, seul compte ce qui est ! L'espoir ne m'a jamais menée nulle part, de toute façon. Je n'espère plus, je demande, puis j'attends et j'observe dans l'assurance que tout se déroulera comme il faut. Détachée mais dans l'expectative. Zen mais éveillée. Détendue mais toujours prête à tout.
Dans le même ordre d'idée, je pourrais paraphraser la célèbre citation attribuée à Shakesperare "Je suis heureux car je n'attends rien de personne !" qui devient alors "Je suis heureux car je n'attends rien de la vie !".
Accepter n'est pas subir, c'est vivre sans jugement, sans résistance, aussi consciemment que possible, avec les mains ouvertes.
"Au moment où j'ai sauté dans le vide, j'ai touché le sol. Au moment où j'ai ouvert les mains, j'ai reçu plus que ce qu'elles pouvaient contenir." Alanis Morisette, Thank You.
Ne vous méprenez pas : vivre au moment présent n'empêche pas d'avancer, d'évoluer, bien au contraire, car être conscient de ce que l'on vit enseigne bien plus que vouloir à tout prix vivre autre chose, et cela se fait tout seul une fois qu'on a lâché prise, et sans stress, sans fragmentation, sans exigence ni douleur. Simplement, au lieu de courir en pensée dans l'un ou l'autre couloir après quelque chose de meilleurs selon des critères qui, souvent, ne sont même pas vraiment les nôtres, les portes passent à notre portée selon qui nous sommes sur le moment. Il n'y a plus qu'à en saisir la poignée et l'ouvrir, vivre pleinement et convenablement la nouvelle pièce jusqu'à ce que la porte suivante passe dans un défilement qui suit automatiquement notre évolution. Nous embrassons le changement au lieu de le provoquer. On pourrait croire que c'est la vie qui décide, mais en réalité, c'est nous, parce que la vie ne s'aligne pas sur ce que nous voulons mais sur qui nous sommes !
Qui nous sommes est, en essence, ce que nous croyons.
Ne faisons donc pas de nos croyances, des couloirs !
Quand nous sommes là, simplement là, simplement présents, pleinement conscients, reconnaissants du moment et choisissant de nous y sentir bien, dans l'accueil plutôt que dans la poursuite, dans la patience plutôt que dans l'exigence, dans le savoir plutôt que dans le vouloir, tout devient possible !
Dans le moment présent, nous sortons des couloirs et découvrons l'horizon.
FB
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